Fins épiciers
Épiciers, ni Josée Chrétien ni Bernard Legendre ne l’étaient avant le 20 août 2000, le lendemain de leur mariage. Ils étaient tous deux comptables agréés. Elle dans de grandes entreprises, et même chez le Vérificateur général du Québec pendant quelques mois. Lui dans un important cabinet de Montréal, puis dans une entreprise de technologie Internet.
Mais épiciers ils sont devenus, très vite, comme s’ils avaient toujours fait métier et marchandise des choses de l’alimentation. En achetant ce jour-là une épicerie, Latina, dans un quartier de Montréal en train de s’embourgeoiser, le Mile End. « Nous venions de passer un an à New York, raconte Bernard. Nous habitions près de Central Park. Nous avions découvert des épiceries de taille raisonnable, pleines de produits choisis. À peine rentrés à Montréal, nous avons appris que Latina était à vendre. Nous avons fait le saut. »
L’épicerie en question périclitait. Son propriétaire avait essayé de transformer ce magasin de quartier en épicerie fine, mais sans succès. Les nouveaux proprios allaient devoir reprendre à zéro l’opération de redéfinition et de réorganisation. « Au début, c’était chaotique, relate Josée. Il y avait trop de produits, des très ordinaires et des trop fins. Trop de personnel aussi, mais pas à la bonne place ni au bon moment. »
Douze ans après, l’achalandage en fait la preuve, Latina est un succès. « À la fois épicerie de proximité et épicerie fine », dit Bernard. Les heures d’ouverture sont généreuses. Les produits sont effectivement « choisis », souvent après des rencontres avec les producteurs. Et les comptoirs de fromages, de charcuterie, de boucherie (avec de vrais bouchers professionnels sur place) et même de poissonnerie sont particulièrement attrayants — « des chefs de service aux autres employés, il faut qu’ils soient des amateurs de bonne chère, qui gèrent leur comptoir comme leur affaire personnelle », dit Josée.
De plus en plus, Latina vend des plats préparés, des soupes, des salades, des plats du jour, que le chef annonce par les médias sociaux (on n’a plus les épiciers qu’on avait). Beaucoup de plats cuisinés surgelés, aussi, pour les gens pressés ou seuls, une clientèle — signe des temps — toujours plus nombreuse.
Monotone, à la longue, le métier d’épicier ? « Pas du tout, dit Bernard. Il faut se renouveler, choisir les produits qu’on ajoute dans les rayons ou qu’on retire, trouver des aliments aussi bien gourmands que santé. » Puis, il y a le contact avec la clientèle, « une clientèle de connaisseurs, résume Josée, qui veut acheter localement le plus souvent, et si possible bio ».
Sans compter les « rêves » qu’on finit par réaliser. Celui de Bernard, par exemple : un bœuf vieilli à sec, à température et humidité très basses, pendant une quarantaine de jours. Les premières coupes sont sorties il y a quelques semaines, en plein hiver. L’été prochain, elles pourraient faire un malheur sur les barbecues du quartier.
Hockeyeurs aux fourneaux
Jaroslav Spacek raffole des galettes de pommes de terre et Mathieu Darche, du macaroni au fromage. Pour Carey Price, c’est la tarte à la citrouille. Pour P.K. Subban, le poulet jerk des Caraïbes. C’est ce qu’on apprend dans Cuisiner avec les Canadiens, publié par la Fondation des Canadiens pour l’enfance, en collaboration avec Ricardo. On croit déjà savoir que nos peu glorieux Glorieux joueront au golf très tôt ce printemps. Ils pourront aussi en profiter pour développer leurs talents de chefs.
Y.V.
Pour bien voyager gourmand
La deuxième édition de Terroir et saveurs du Québec arrive en librairie début mars. Publié aux éditions Ulysse par l’Association de l’Agrotourisme et du Tourisme gourmand, ce guide de 700 adresses est le compagnon indispensable des adeptes du tourisme gourmand. « Nos membres s’engagent à mettre en valeur les produits locaux, et pas seulement en été », soutient la directrice générale, Odette Chaput. Fermes, vignobles, fromageries, « on peut maintenant découvrir nos régions sous l’angle gourmand ».
Y.V.
À table à sainte-adèle
Les Laurentides sous une neige frais tombée. Un ciel rempli d’étoiles. Dans cet écrin, un joyau d’auberge et l’une des meilleures tables du Québec… Une sortie à L’Eau à la bouche, à Sainte-Adèle, est à la fois luxe, calme et délectation — on est dans un établissement griffé Relais & Châteaux.
Il faut dire qu’Anne Desjardins, qui en est chef propriétaire depuis plus de 30 ans, est une grande dame de notre cuisine. Le menu Découverte en fait une imparable démonstration. Après l’amuse-bouche, les six services, parfaitement agencés, nous transporteront. Légèreté d’abord, avec caviar et truite fumée sur blinis et crème fraîche. Puis subtilité, avec râble de lapin accompagné de ses rognons en tempura, étonnants, et d’une sauce à l’hydromel. On monte encore d’un cran avec l’escalope de foie gras poêlée, irréprochable. Et d’un autre avec le porcelet trois manières. Atterrissage en douceur avec la « fausse » soupe à l’oignon gratinée, fausse parce que sans bouillon, avant de finir sur un dessert parfait.
Ajoutez à ces délices un remarquable choix de vins et vous comprendrez pourquoi une sortie à L’Eau à la bouche est à marquer d’une pierre blanche. (Pour info : 450 229-2991.)
Mots à la bouche
« Si vous n’êtes pas capable d’un peu de sorcellerie, ce n’est pas la peine de vous mêler de cuisine. »
Colette, écrivaine française (1873-1964)
VINS : Le poids ne fait pas le vin
Il y a quelques années, Jancis Robinson, journaliste britannique de renom, lançait une campagne « name and shame » dans son site Web, invitant ses lecteurs à signaler des vins commercialisés dans des bouteilles ridiculement lourdes.
Elle souhaitait ainsi dénoncer l’irresponsabilité environnementale de certains producteurs, qui véhiculent le message que le poids d’une bouteille de vin est un gage de qualité. En réalité, il n’y a aucun intérêt à conserver le vin dans un contenant en verre épais et massif. Tout cela n’est que du marketing.
L’industrie viticole est l’un des secteurs qui utilisent le plus d’emballage. Le poids moyen d’une bouteille de vin est d’environ 500 g, mais certains mastodontes pèsent plus d’un kilo. Une surcharge pondérale qui engendre des émissions de carbone accrues lorsque ces bouteilles traversent le globe. De plus, comme le verre en fusion requiert des températures très élevées, la fabrication même du verre exige une grande quantité d’énergie. Les bouteilles allégées représentent donc des économies énergétiques substantielles.
Le message de Jancis Robinson a depuis été entendu par des acteurs importants de l’industrie viticole. En Angleterre, certaines chaînes de supermarchés commercialisent désormais des vins embouteillés dans du verre allégé. Plus près de chez nous, le LCBO (Liquor Commission Board of Ontario) est reconnu comme un leader en matière de réduction de déchets liés aux boissons alcoolisées. Il offre déjà plus de 200 produits en bouteilles de verre allégé et imposera, en 2013, un poids maximal de 420 g pour les vins de moins de 15 dollars. Au Québec, la SAQ exige désormais de ses partenaires d’affaires qu’ils fournissent le poids du contenant vide lors des appels d’offres.
Le consommateur québécois est de plus en plus sensible au charme des vins « sincères » et se laisse moins facilement berner par un emballage ambitieux, conscient qu’il doit inévitablement en payer les frais.
DEUX VINS LÉGERS EN ALCOOL (12,5 %) ET VENDUS DANS DES BOUTEILLES PESANT MOINS DE 425 G
Domaine de Petit Roubié 2009, Syrah, Vin de pays de l’Hérault (913491 ; 15,80 $)
Dans la commune de Pinet, Olivier et Floriane Azan produisent un très bon vin de syrah, issu de l’agriculture biologique. Le 2009 est juteux, plein de vitalité et riche en saveurs de fruits noirs, qui donnent l’impression de mordre dans la grappe. Encore meilleur s’il est servi autour de 14-15 °C.
Jean-Michel Sorbe, Reuilly 2009 (11154224 ; 19,70 $)
Cette appellation, qui couvre à peine 170 hectares à l’ouest de Sancerre, est la source de très bons vins issus de sauvignon blanc. Celui-ci marie habilement la vigueur du cépage et la générosité typique de 2009 par sa vinosité et ses notes de fruits tropicaux. En prime, une pointe minérale, qui appelle tant les huîtres que l’heure de l’apéro.