Plaisirs gourmands
par Yanick Villedieu et Nadia Fournier
CHARLES BRIAND POUR L’ACTUALITÉ
Passion argousier

Des oliviers au Québec ? Qui donnent des olives ? Qu’on transforme et cuisine ici ? La réponse à toutes ces questions est la même : oui. Du moins si l’on oublie les olives vertes ou noires bien connues. Si l’on ajoute quelques guillemets. Et parle plutôt des « olives » de couleur orange vif que sont les baies d’argousier. Presque inconnu ici il y a une quinzaine d’années, ce petit fruit acide commence à trouver place sur les meilleures tables. « Les chefs adorent l’argousier », résume la productrice Céline Bellehumeur, copropriétaire des Jardins de Hatley.

Nous sommes sur les hauteurs de North Hatley, en Estrie. Elle et Dennis Benoît y ont lancé cette culture sur un coup de cœur. « Un hasard, se rappelle-t-elle. C’était en 2001. Je trouve quelque part un article sur “la plante de la semaine”. Tout de suite, j’aime tout ce que je lis. Je venais de découvrir l’argousier, qu’on appelle aussi olivier de Sibérie et même olivier du Québec. » Aujourd’hui, leur argouseraie compte 3 000 arbustes en production, pour une récolte de trois à quatre tonnes, surtout vendue en baies congelées.

« D’abord et avant tout une productrice », Céline Bellehumeur entretient « une passion » pour l’arbuste, « l’une des plus belles plantes du monde », dit-elle avec une flamme dans les yeux. « L’argousier se cultive bien en bio, il est extrêmement résistant et de culture facile, même s’il a ses caprices : il a besoin de beaucoup de soleil, n’aime pas avoir les pieds dans l’eau et déteste être bousculé. » Elle aime aussi la récolte, si particulière : on coupe les branches épineuses couvertes des grappes orange, on ôte les feuilles (on les prend, séchées, en tisane), on congèle les branches dans des boîtes, qu’on secouera énergiquement pour faire tomber les fruits — « trois ou quatre semaines d’un travail très dur ».

La récompense ? « Une bombe santé, 30 fois plus concentrée en vitamine C que l’orange, pleine de minéraux et d’antioxydants. » Qu’on peut déguster de l’entrée au dessert, dans une terrine, avec des volailles, sur un plateau de fromages, en confiture, en compote, en coulis, en jus ou encore en sorbet, un authentique délice.

Pour Céline Bellehumeur, l’aventure de l’argousier ne fait que commencer au Québec. « Il n’y a pas encore beaucoup de producteurs, et nous ne pouvons pas répondre à la demande. Tout est à faire. En plus de l’alimentation, la baie d’argousier est à la base de cosmétiques, savons ou shampoings. Sans compter que l’arbuste peut servir à décontaminer les terrains, à faire des clôtures, à fixer les sols pour éviter l’érosion. »

À la mi-octobre, Céline Bellehumeur et Dennis Benoît s’envoleront vers Potsdam, en Allemagne, pour la sixième conférence de l’International Seabuckthorn Association (association internationale de l’argousier). Pendant quatre jours, on discutera technologie, santé et environnement pour et par l’argousier. Les petits fruits aussi sont entrés dans le XXIe siècle.

Y.V.

N’en jetez plus…

Pléthore de courgettes dans le potager. Je cherche de nouvelles recettes sur Internet. Un site (parmi des centaines d’autres, sans doute) m’en propose… 1 839. J’ai aussi beaucoup de tomates : 7 651 recettes. Et 2 307 pour les poivrons. Le prochain ou la prochaine qui publie un autre livre de cuisine, je le ou la découpe en cubes de trois centimètres, que je fais rissoler avec des oignons dans une huile d’olive bien chaude, j’ajoute de l’ail, du sel, du poivre, de la cannelle, du gingembre, du safran, un peu de miel, des pruneaux préalablement gonflés dans de l’eau tiède, je glisse le tout dans un tajine, je fais cuire au four pendant deux heures et je sers avec de la semoule. Na !

Y.V.

La sortie

J’ai souvent dit combien j’aime les beaux paysages agricoles — fruit du travail de générations de femmes et d’hommes voués à la noble tâche de nourrir le monde. Les alentours de Compton, entre Sherbrooke et la frontière américaine, en font certainement partie. Notamment quand on les contemple depuis la ferme et la fromagerie La Station, à quelques kilomètres du village. Exploitée depuis 1927 par la même famille (on en est à la quatrième génération de Bolduc), certifiée bio depuis 15 ans, la ferme produit un lait de vache qu’elle a choisi de transformer sur place il y a 9 ans. Son premier fromage, Alfred Le Fermier, une pâte pressée affinée pendant huit mois, est une valeur sûre. Sa Comtomme, une pâte semi-ferme affinée pendant trois mois, est un des fromages auxquels je retourne régulièrement. On ira aussi à La Station pour le coup d’œil sur les caves d’affinage, profondes de deux étages, où mûrissent les meules. Et tant qu’à passer par Compton, pourquoi ne pas aller visiter une autre ferme laitière, La Beurrerie du Patrimoine ? Et pourquoi ne pas faire le voyage les 28 et 29 septembre, au moment des fêtes gourmandes du village, les Comptonales ?

Y.V.

Car le monde et les temps changent

Le Chantauteuil, mythique bar et boîte à chansons de la rue Saint-Jean, à Québec, a fermé ses portes après 45 ans de bons et loyaux services aux buveurs, chanteurs (Gilles Vigneault l’a inauguré en 1968, Bob Dylan y a chanté en 1976), artistes, comédiens, beaux parleurs et grands refaiseurs de monde. Il a été remplacé par un bistrot-bar sympathique et sans prétention, le Sapristi, qui sert « une cuisine généreuse et ensoleillée », pizzas, pâtes, tartares, risotto. On y va pour les plats, qui sont fort honnêtes. Et aussi (beaucoup ?) pour la nostalgie.

Y.V.

Mots à la bouche

« Qu’un potage soit immangeable, cela ne tient parfois qu’à un cheveu. » Jules Romains, écrivain, 1885-1972

VINS

Portugal 101 : du Nord au Sud

La popularité ne va pas toujours au mérite. Évoluant encore dans l’ombre de son voisin espagnol, le vignoble portugais foisonne pourtant de vins de qualité, souvent très distinctifs. Le pays est méridional et le soleil tape fort, du Minho à l’Alentejo en passant par le Douro, le Dão et la région de Bairrada. Le charme de ces vins réside donc dans leur caractère authentiquement chaleureux. Parfaits pour l’automne !

MINHO Au sud du fleuve Minho, à la frontière espagnole, la région du vinho verde ( « vin vert ») est le royaume du vin blanc sec et désaltérant.

Quinta do Ameal, Loureiro 2012, Vinho Verde (11459992 ; 19,05 $)

La sous-région de Ponte de Lima est un terrain de jeu idéal pour le cépage loureiro. Depuis huit ans, Pedro Araújo y cultive la vigne de façon biologique et en tire un très bon vinho verde ayant plus de caractère que la moyenne de l’appellation. Léger (11,5 %) et agrémenté d’une belle finale aux notes florales et minérales. Muito bom !

DOURO D’abord connu pour le porto, le Douro produit aujourd’hui plus de grands vins de table que toute autre région viticole portugaise.

Dow’s, Douro 2010, Vale do Bomfim (10838982 ; 15,95 $)

Difficile de résister aux charmes de cette cuvée courante. Issus des vignobles du Haut-Douro, les cépages tinta barroca, tinta roriz, touriga nacional et touriga franca s’expriment de façon volubile, déployant une matière fruitée gourmande et chaleureuse. Excellent rapport qualité-prix !

DÃO Écrin de granit entouré de montagnes, la région du Dão peut produire des vins racés et élégants. Le touriga nacional y donne des vins souvent tendres et nuancés.

Quinta dos Roques, Dão 2010 (744805 ; 15,65 $)

Dans leur domaine, Manuel Lopes de Oliveira et son gendre, Luís Lourenço, prônent une approche peu interventionniste. Touriga nacional, tinta roriz, jaen et alfrocheiro donnent ici un très bon vin modérément charnu, dont les goûts anisés sont mis en valeur par une franche acidité. Modeste, mais sincère et fort plaisant !

BAIRRADA Au sud de Porto, cette région met à profit le cépage baga. Longtemps mal-aimé, le baga donne aujourd’hui d’excellents vins, originaux et savoureux.

Campolargo, Baga 2010, Bairrada (11693092 ; 25,95 $)

Bel exemple de vin rouge moderne, produit par la famille Campolargo. Issu à 100 % de baga, mis en valeur par un élevage en fûts d’un an, le 2010 se signale par son grain tannique serré, enrobé d’une généreuse couche de fruit, sur un fond d’épices douces. Des aspérités tanniques apportent une touche rustique qui lui donne un caractère franchement sympathique.

ALENTEJO Le vaste vignoble de l’Alentejo, à l’est de Lisbonne, donne des vins rouges généreux et chaleureux, mais aussi de bons vins blancs originaux.

Cortes de Cima, Chaminé blanc 2011, Alentejo (11156238 ; 14,40 $)

Parti en voilier en quête d’un vignoble, le couple d’aventuriers américano-danois Carrie et Hans Kristian Jørgensen a débarqué dans cette région au terme d’un long périple en mer. Depuis 1988, il y produit de bons vins de facture moderne, dont ce savoureux vin blanc qui conjugue les vertus des cépages antao vaz, viognier, verdelho et sauvignon blanc. Parfumé, sec, original et… abordable !

N.F.